
Lorsque nous nous faisons mal, notre cerveau va recevoir une confirmation douloureuse liée à la blessure. Cette douleur nous permet de savoir que quelque chose ne va pas pour réagir en conséquence, mais elle sert aussi à limiter l'utilisation de la zone pour lui permettre d'avoir un peu de repos et se soigner de façon optimale.
Ce fonctionnement ne date pas d'hier et vient d'une époque où nous ne pouvions pas soigner les blessures comme nous le faisons aujourd'hui. Notre cerveau va donc mettre en place une esquive du mouvement en partant du principe que la convalescence va être longue, voire même que nous allons garder des séquelles à vie. Dans l'histoire de l'humanité, nous ne savons réellement gérer la douleur et les blessures que depuis quelques dizaines d'années. Ce qui n'est rien comparé au système mis en place depuis des milliers d'années par notre système nerveux.
Le souci, c'est donc que nous allons mettre en place des mouvements qui ne font pas mal pour éviter de souffrir suite à une blessure. Ce qui est dingue dans ce système, c'est que notre cerveau va être capable de nous faire ressentir une douleur avant qu'elle ne soit réelle. Pour le comprendre, il suffit de s'intéresser à une expérience simple : imaginons que nous allumons une lumière devant vous et qu'à chaque fois que vous percevez la lumière, vous recevez une décharge (même légère). Si nous répétons l'expérience suffisamment de fois, il suffira d'allumer la lumière pour que vous ressentiez la douleur. Si la décharge crée une douleur, vous allez même développer une peur de cette lumière.
C'est exactement ce qu'il se passe quand vous vous faites mal. Si nous prenons l'exemple d'une douleur lombaire, vous allez avoir mal pendant plusieurs jours à chaque fois que vous vous levez de votre lit. Le cerveau va faire un lien entre la douleur et le geste, et vous allez appréhender le fait de vous lever. Vous allez ressentir une douleur même si elle est absente au niveau de votre dos. C'est ce qu'on appelle une peur de bouger ou kinésiophobie. Elle est naturelle et vise à nous protéger, mais elle n'est plus forcément adaptée aux moyens de soins que nous avons aujourd'hui.
La kinésiophobie nous sert tout de même à ne pas répéter des choses dangereuses comme mettre la main dans le feu ou tout autre comportement dangereux. Une autre expérience intéressante montre que si nous fabriquons une plaque électrique qui a la couleur d'une plaque bouillante et que nous attrapons votre main pour la poser sur la plaque, vous allez avoir un geste de recul même si la plaque est froide. Ce qui est dingue, c'est que vous allez regarder votre main pour vérifier que vous ne vous êtes pas brûlé, mais surtout votre main va devenir un peu rouge parce que votre cerveau, par peur, va envoyer du sang pour commencer à cicatriser une blessure qu'il croit avoir. C'est un système très évolué et efficace, mais il peut nous jouer des tours.
Pour pallier à cette kinésiophobie suite à des douleurs, il faut dans un premier temps consulter pour connaître l'origine de cette douleur et la traiter. Une fois que nous savons que la douleur n'a plus de raison d'être présente, il faut créer ce que j'appelle des expériences « non négatives », c'est-à-dire que lorsqu'un geste est douloureux et que nous sentons une appréhension de le faire, il faut le répéter 5 fois en se disant que le geste est sécurisé et que nous pouvons le faire sans risque. La première risque d'être douloureuse mais dès la deuxième, nous allons être plus détendu pour le faire et la douleur peut commencer à diminuer. Au bout de cinq répétitions, dans la majorité des cas, la douleur n'est plus présente.
Attention, cela ne veut pas dire que nous avons réglé le problème avec cinq répétitions. Il va falloir rassurer le cerveau pendant plusieurs jours et dans différentes conditions. J'aime conseiller à mes patients de refaire les gestes douloureux pendant un bon mois pour « déprogrammer » cette douleur dans différentes conditions. En effet, ce n'est pas uniquement le mouvement qui pose problème mais aussi le moment de la journée où nous le faisons et les conditions dans lesquelles nous nous trouvons.
Il faut donc prendre le temps de rassurer notre cerveau pour l'aider à avoir moins peur et diminuer les douleurs.
Comments